Pourquoi la Sky est condamnée à être détestée par le public
Sept victoires au Tour de France en huit ans, les Britanniques dominent la plus grande course du monde de la tête et des épaules
- Publié le 02-08-2018 à 10h12
- Mis à jour le 02-08-2018 à 17h28
Sept victoires au Tour de France en huit ans, les Britanniques dominent la plus grande course du monde de la tête et des épaules. Une véritable razzia. Une domination sans partage ou encore une hégémonie digne des plus grands. On pourrait mettre tant de mots sur la suprématie de la Sky au Tour de France. Avec 7 victoires en 8 ans avec trois vainqueurs différents (Wiggins 2012, Froome 2013-2015-2016-2017, Thomas 2018), la formation britannique domine de la tête et des épaules la plus grande course du monde. Pourtant, le public présent sur le bord des routes du Tour déteste les Sky. Alors que les suiveurs de la Petite Reine félicitent chaleureusement Peter Sagan qui vole sur les championnats du monde depuis 3 ans (entre autres !), qu'ils applaudissent à deux mains la mainmise de la Quick-Step sur les classiques, les coéquipiers de Froome encaissent des critiques tout au long de la saison. D'où provient cette haine ?
Une énorme ambition affichée dès le début
En 2010, Dave Brailsford, l'actuel manager de la Sky, arrive dans le peloton avec une toute nouvelle structure 100 % britannique. Les ambitions sont clairement définies: remporter le Tour de France avec un Britannique. Le peloton rigole et prend légèrement de haut les Britanniques. Il faut dire qu'en 2010, aucun Anglais n'a remporté le Tour de France et la meilleure performance demeure une 4e place obtenue à la surprise générale par Bradley Wiggins sur le Tour 2009. La culture cycliste des Britanniques sur la route reste très étroite et, au goût d'un peloton largement conservateur, leurs ambitions ne valent pas grand-chose. La Sky fait directement étalage de toute sa puissance financière. Elle se paye un bus ultra moderne à 700.000 € et embauche des cadors comme Boasson Hagen ou Flecha en plus des futures stars du Tour comme Froome et Wiggins. La première saison est honorable mais pas extraordinaire. Cependant, les bases sont jetées pour dominer la plus grande course du monde. Deux ans plus tard, le Tour verra déferler sur lui Bradley Wiggins et ses rouflaquettes "so british". Wiggins, flanqué de son maillot jaune, refuse la majorité du temps de parler français alors qu'il est parfait bilingue après avoir roulé 6 ans pour des équipes françaises. Une attitude déplorée et vivement critiquée outre-Quiévrain
Un passé trouble avec le dopage
Le récent cas de Chris Froome, finalement blanchi par l'UCI , n'est que le dernier maillon d'une chaîne déjà pas mal fournie concernant le dopage. Le rapport de la commission d'enquête du parlement britannique, sorti au mois de mars dernier, a clairement mis en cause la Sky. Noir sur blanc, la meilleure équipe cycliste du monde, est accusée d’avoir contourné l’éthique (mais pas le code mondial antidopage) pour remporter le Tour 2012 avec Wiggins. "Nous pensons que ce puissant corticoïde a été utilisé pour préparer Bradley Wiggins, et possiblement certains de ses équipiers, pour le Tour de France. Le but n’était pas de traiter un problème médical mais d’améliorer son rapport poids/puissance avant la course," signale le rapport, faisant référence à un médicament administré à Bradley Wiggins pour le Critérium du Dauphiné en 2011 en plus des fameuses autorisations à usage thérapeutique (AUT) délivrées au même Wiggins pour de la triamcinolone, un corticoïde, avant le Tour de France 2012. Sans oublier les paroles de l'ancien entraîneur de la Sky, Chris Sutton: "Si vous avez un athlète qui est à 95% de son meilleur niveau et que pour aller chercher les 5% qui lui manquent en raison d'une blessure ou d'un petit souci handicapant, il faut demander une autorisation d'usage thérapeutique (AUT), alors oui bien sûr, dans ce cas, vous le faites". Une façon de légitimer le recours aux AUT. La transformation des coureurs comme Froome et Thomas, devenus des vainqueurs du Tour après avoir débuté presque anonymement leur carrière dans le peloton (ou sur la piste comme Thomas), est aussi très mal passée dans l'opinion publique.
Le parallèle avec l'US Postal souvent mis au goût du jour
Une équipe dominante qui roule avec des tuniques foncées sur les routes chauffées par le soleil du mois de juillet, le tout saupoudré avec un accent anglo-saxon. Ne cherchez plus, la parallèle avec l'US Postal est tout trouvé. Jadis, les coéquipiers de Lance Armstrong, biberonnés à l'EPO, aux transfusions sanguines ou encore à la testostérone et aux corticoïdes tournaient à plein régime pour remporter le Tour avec le "Boss". Pourtant, même lorsque le Texan déglinguait ses adversaires dès la première étape de montagne (en tuant du même coup le suspense), jamais le public ne l'a abhorré de la sorte. Il ne faut pas oublier que la Molteni d'Eddy Merckx écrasait le Tour, tout comme la Banesto de Miguel Indurain ou encore la Vie Claire de Bernard Hinault. La encore, aucune de ces formations n'a subi des critiques aussi intenses sur le Tour. La Sky est arrivée alors que le cyclisme vivait le plus grand traumatisme de son histoire avec le scandale Lance Armstrong. Le but est de gagner chez la Sky, pour la popularité, elle repassera. "Je préfère porter ce maillot jaune, faire la course de ma vie et être sifflé, qu’être 30e, lâché dans le premier col et que tout le monde m’applaudisse. J’en profite quand même", a déclaré il y a quelques jours Geraint Thomas. Elle résume parfaitement la philosophie mise en place par Brailsford.
Une critique acerbe... franco-française
"L’an prochain à Bruxelles, la Sky va se faire applaudir car, en Belgique, c’est un public de connaisseurs. Le public français a été chauffé à blanc par certains médias et par les propos d’un certain Bernard Hinault. Quand on ne connaît pas le dossier, on ne fait pas de commentaires", les propos sont signés par Jean-Luc Vandenbroucke, notre consultant lors du dernier Tour de France. Historiquement, les Français et les Anglais aiment bien se charrier. Alors voir débarquer sur le Tour de France des Britanniques surpuissants n'a pas plu au public français. La Grande Boucle reste une épreuve phare pour mettre en valeur la France entière et, en plus, le cyclisme est traditionnellement un sport dominé par les Italiens, les Français et les Belges. N'en jetez plus, la coupe est pleine. Ces succès de la Sky sont à chaque fois des coups portés dans l’ego des Français, incapables de trouver un successeur à Bernard Hinault depuis... 1985.